Une holding peut-elle embaucher des salariés ?

Les sociétés holding occupent une place centrale dans l’architecture juridique et financière des groupes d’entreprises modernes. Ces structures, conçues initialement pour détenir des participations dans d’autres sociétés, suscitent de nombreuses interrogations concernant leur capacité à employer directement des salariés. Cette question revêt une importance particulière à l’heure où les groupes cherchent à optimiser leurs ressources humaines et à centraliser certaines fonctions stratégiques au niveau de la société mère.

La réponse à cette interrogation n’est pas aussi évidente qu’elle pourrait paraître. Entre les holdings purement financières et les holdings opérationnelles, les nuances juridiques sont subtiles mais déterminantes. L’embauche de personnel par une holding implique des considérations multiples : respect du droit du travail, cohérence avec l’objet social, optimisation fiscale et sociale. Ces enjeux nécessitent une approche rigoureuse pour éviter les écueils juridiques tout en maximisant l’efficacité organisationnelle du groupe.

Cadre juridique de l’embauche salariale par les sociétés holding

Définition légale de la holding selon l’article L233-1 du code de commerce

L’article L233-1 du Code de commerce définit les sociétés contrôlées et les sociétés mères sans pour autant donner une définition précise de la holding. Cette absence de définition légale stricte laisse place à une interprétation jurisprudentielle et doctrinale. Une holding est généralement caractérisée comme une société dont l’objet principal consiste à détenir des participations dans d’autres sociétés afin d’en assurer le contrôle ou d’exercer une influence notable sur leur gestion.

Cette définition souple permet aux holdings d’exercer des activités complémentaires, notamment l’embauche de personnel pour assurer des missions de support ou de coordination. Le Code de commerce ne prohibe nullement l’emploi de salariés par une holding, dès lors que cette activité reste cohérente avec son objet social et ses missions de contrôle ou d’animation du groupe.

Distinction entre holding pure et holding mixte en droit du travail

Le droit du travail opère une distinction fondamentale entre les holdings pures et les holdings mixtes. Les holdings pures, également appelées holdings passives, se contentent de détenir des participations sans exercer d’activité opérationnelle directe. À l’inverse, les holdings mixtes ou actives développent des activités complémentaires : prestations de services aux filiales, animation du groupe, centralisation de certaines fonctions.

Cette distinction revêt une importance cruciale pour l’embauche de salariés. Une holding pure ne peut justifier l’emploi de personnel que pour ses besoins propres de gestion patrimoniale, généralement très limités. Une holding active dispose d’une latitude beaucoup plus importante, pouvant recruter des collaborateurs pour assurer des missions variées au service du groupe. La jurisprudence sociale reconnaît pleinement cette différenciation et adapte ses critères d’appréciation en conséquence.

Application du code du travail aux structures holding

Le Code du travail s’applique intégralement aux sociétés holding employeuses, sans distinction particulière liée à leur statut de société mère. Dès lors qu’une holding conclut des contrats de travail, elle endosse toutes les obligations d’un employeur classique : respect du salaire minimum, application de la durée légale du travail, mise en place des institutions représentatives du personnel selon les seuils, respect des procédures de licenciement.

Cette application uniforme du droit social garantit aux salariés de holding les mêmes protections qu’aux autres travailleurs. Toutefois, les spécificités de l’activité holding peuvent générer des adaptations pratiques, notamment en matière de classification des emplois ou de définition des missions. L’employeur holding doit veiller à ce que les fonctions exercées par ses salariés correspondent effectivement à son objet social pour éviter tout risque de requalification ou de contestation.

Jurisprudence de la cour de cassation sur l’emploi en holding

La jurisprudence de la Cour de cassation a progressivement clarifié les conditions d’emploi en holding. Les arrêts marquants établissent que l’embauche de salariés par une holding est parfaitement licite, sous réserve du respect de certaines conditions. Les juges examinent notamment la réalité des missions confiées, leur cohérence avec l’objet social de la holding et l’absence de confusion avec l’activité des filiales.

La Cour de cassation considère qu’une holding peut valablement employer des salariés dès lors que leurs missions correspondent à des besoins réels de gestion, d’animation ou de coordination du groupe.

Cette jurisprudence protectrice permet aux groupes de structurer efficacement leurs ressources humaines tout en respectant le cadre légal. Elle encourage également une approche transparente de la définition des postes et des missions, élément clé pour sécuriser juridiquement les embauches en holding.

Modalités pratiques du recrutement salarié en société holding

Procédures de recrutement spécifiques aux holdings financières

Le recrutement en holding financière suit des procédures adaptées à la spécificité de ces structures. L’employeur doit d’abord s’assurer que le poste à pourvoir correspond effectivement aux besoins de la holding et non à ceux d’une filiale. Cette vérification préalable évite les risques de co-emploi ou de prêt de main-d’œuvre illicite . La définition précise des missions, des objectifs et du rattachement hiérarchique constitue un prérequis indispensable.

Les holdings privilégient généralement des profils polyvalents, capables d’intervenir sur différents dossiers et auprès de plusieurs filiales. Cette approche transversale nécessite une attention particulière lors de la rédaction des annonces d’emploi et des entretiens de recrutement. Comment identifier les candidats capables de s’adapter à un environnement complexe et multi-entités ? L’évaluation des compétences relationnelles et de la capacité d’adaptation devient aussi importante que l’expertise technique.

Contrats de travail adaptés aux fonctions transversales

La rédaction des contrats de travail en holding requiert une attention particulière pour délimiter précisément le périmètre d’intervention du salarié. Le contrat doit mentionner explicitement l’employeur holding tout en définissant les missions qui peuvent s’exercer au bénéfice de plusieurs entités du groupe. Cette approche contractuelle prévient les risques de confusion d’employeur et sécurise la relation de travail.

Les clauses de mobilité prennent une dimension particulière dans les contrats de holding. Elles peuvent prévoir des interventions ponctuelles dans les filiales, des déplacements géographiques ou des adaptations de missions selon les besoins du groupe. La flexibilité contractuelle doit toutefois respecter les limites légales et ne peut conduire à une modification substantielle du contrat sans l’accord du salarié.

Gestion des DPAE et formalités d’embauche

Les Déclarations Préalables À l’Embauche (DPAE) en holding suivent les procédures standard, avec quelques spécificités liées au code NAF de l’activité. Les holdings relèvent généralement du code 6420Z « Activités des sociétés holding », ce qui peut influencer certaines obligations déclaratives ou statistiques. L’employeur doit veiller à la cohérence entre ce code d’activité et les missions réellement confiées aux salariés.

La gestion des formalités d’embauche inclut également les déclarations spécifiques aux organismes sociaux et aux caisses de retraite complémentaire. Les holdings, souvent multi-sites ou intervenant dans plusieurs secteurs via leurs filiales, doivent porter une attention particulière à l’identification des organismes compétents selon la localisation et la nature des activités.

Intégration dans la convention collective applicable

Le choix de la convention collective constitue un enjeu majeur pour les holdings employeuses. En l’absence de convention collective spécifique aux sociétés holding, l’employeur doit identifier la convention la plus appropriée selon son activité réelle. Cette démarche implique une analyse fine des missions exercées par la holding : gestion pure de participations, prestations de services aux filiales, animation stratégique du groupe.

Certaines holdings optent pour des conventions collectives larges comme celle de la métallurgie ou des bureaux d’études, offrant une flexibilité appréciable pour des activités diversifiées. D’autres privilégient des conventions plus spécialisées selon leur secteur d’intervention principal. Cette décision impacte directement les grilles salariales, les avantages sociaux et les procédures de gestion du personnel .

Déclarations URSSAF et obligations sociales spécifiques

Les obligations sociales des holdings employeuses ne diffèrent pas fondamentalement de celles des autres entreprises, mais nécessitent une vigilance particulière en matière de territorialité et de répartition des coûts. Lorsque des salariés de holding interviennent au bénéfice de filiales, des mécanismes de refacturation peuvent être mis en place, avec leurs implications en matière de TVA et de charges sociales.

La gestion des déclarations URSSAF inclut également les spécificités liées aux avantages en nature ou aux remboursements de frais professionnels. Les salariés de holding étant souvent amenés à se déplacer entre différentes entités du groupe, la distinction entre frais professionnels et avantages imposables nécessite une attention constante pour éviter les redressements.

Typologie des postes compatibles avec l’activité holding

Fonctions de direction générale et management stratégique

Les fonctions de direction constituent le socle naturel de l’emploi en holding. Le directeur général, les directeurs fonctionnels et les responsables stratégiques trouvent leur place légitime au sein de ces structures. Leurs missions d’orientation, de coordination et de supervision des filiales correspondent parfaitement à l’objet social d’une holding active. Ces postes de haut niveau permettent de centraliser l’expertise stratégique et d’assurer une cohérence d’ensemble au groupe.

Le management stratégique en holding revêt des formes variées : définition des orientations du groupe, pilotage des investissements, coordination des politiques commerciales ou industrielles. Ces fonctions requièrent des profils expérimentés, capables de jongler entre vision globale et expertise sectorielle. La valeur ajoutée de ces postes réside dans leur capacité à créer des synergies entre les différentes entités du groupe et à optimiser l’allocation des ressources.

Métiers financiers : contrôleurs de gestion et analystes

Les métiers financiers occupent une place de choix dans les holdings, structures naturellement orientées vers la gestion et l’optimisation des flux financiers. Les contrôleurs de gestion groupe, les analystes financiers et les responsables de consolidation apportent une expertise indispensable au pilotage des performances. Leurs missions de reporting, d’analyse et de conseil aux filiales justifient pleinement leur rattachement à la holding plutôt qu’aux entités opérationnelles.

Ces professionnels de la finance développent une vision transversale des activités du groupe, identifient les opportunités d’amélioration et conseillent les dirigeants dans leurs décisions d’investissement ou de désinvestissement. Leur positionnement en holding leur confère l’indépendance nécessaire pour exercer un regard critique sur les performances des filiales et proposer des mesures correctives.

Services juridiques et compliance interne

La fonction juridique en holding répond à des besoins spécifiques liés à la complexité des structures de groupe. Les juristes d’entreprise, les responsables compliance et les spécialistes en droit des sociétés interviennent sur des problématiques transversales : gouvernance, restructurations, acquisitions, contentieux. Leur centralisation au niveau holding permet une approche cohérente du risque juridique et une mutualisation des expertises coûteuses.

Ces fonctions support revêtent une importance croissante avec le renforcement des exigences réglementaires. Les obligations de conformité, de transparence et de reporting nécessitent des compétences spécialisées que les filiales ne peuvent pas toujours développer individuellement. La holding devient ainsi le centre de compétences juridiques du groupe, garant de la sécurité juridique et de la cohérence des pratiques.

Support administratif et ressources humaines

Les fonctions de support administratif et RH en holding couvrent un large spectre d’activités : gestion administrative, comptabilité groupe, ressources humaines mutualisées, systèmes d’information. Ces postes se justifient par la recherche d’économies d’échelle et l’harmonisation des pratiques au sein du groupe. Ils permettent aux filiales de se concentrer sur leur cœur de métier tout en bénéficiant de services professionnels de qualité.

La DRH groupe, positionnée en holding, développe des politiques RH communes, harmonise les systèmes de rémunération et facilite la mobilité interne. Cette approche centralisée favorise l’émergence d’une culture d’entreprise commune et optimise la gestion des talents à l’échelle du groupe. Les défis consistent à adapter ces services mutualisés aux spécificités de chaque filiale tout en préservant l’efficacité globale.

Optimisation fiscale et sociale de l’emploi salarié

L’embauche de salariés par une holding génère des opportunités d’optimisation fiscale et sociale qu’il convient d’exploiter dans le respect de la réglementation. La structure holding permet de centraliser certains coûts salariaux et de les répartir ensuite entre les filiales selon leurs besoins réels. Cette approche optimise la charge fiscale globale du groupe tout en respectant le principe de réalité économique des prestations.

La refacturation des services rendus par les salariés de holding aux filiales constitue un mécanisme classique d’optimisation. Cette facturation interne, soumise à TVA selon les règles en vigueur, permet de faire supporter les coûts salariaux par les entités qui bénéficient réellement des prestations. L’administration fiscale accepte ces montages sous réserve qu’ils reflètent une réalité économique et que les prix de transfert respectent le principe de pleine concurrence.

L’optimisation sociale passe également par une gestion fine des avantages sociaux et de la prévoyance collective . La holding peut négocier des contrats groupe avantageux et en faire bénéficier l’ensemble de ses salariés ainsi que ceux des filiales adhérentes. Cette mutualisation génère des économies significatives tout en améliorant

la couverture sociale des salariés. Cette approche collective renforce également l’attractivité employeur du groupe et facilite la rétention des talents.

Les holdings peuvent aussi optimiser la gestion des stock-options et des plans d’épargne salariale en centralisant ces dispositifs d’intéressement. La mise en place de plans d’actionnariat salarié au niveau holding permet aux collaborateurs de toutes les entités du groupe de bénéficier de la performance globale. Cette vision élargie de la participation renforce le sentiment d’appartenance et aligne les intérêts des salariés sur ceux des actionnaires.

L’optimisation fiscale doit toutefois respecter certaines limites. L’administration fiscale surveille attentivement les prix de transfert entre la holding et ses filiales, notamment en matière de refacturation des coûts salariaux. Les tarifs pratiqués doivent correspondre à ceux qui seraient appliqués entre entreprises indépendantes pour des prestations similaires. La documentation de ces politiques de prix de transfert devient indispensable au-delà de certains seuils d’activité.

Risques juridiques et mise en conformité réglementaire

L’emploi de salariés par une holding expose l’entreprise à des risques juridiques spécifiques qu’il convient d’identifier et de prévenir. Le principal écueil réside dans la confusion d’employeur, situation où l’administration ou les tribunaux considèrent qu’un salarié officiellement employé par la holding travaille en réalité pour une filiale. Cette requalification peut entraîner des redressements sociaux et fiscaux significatifs, sans compter les conséquences en matière de responsabilité sociale.

Le risque de prêt de main-d’œuvre illicite constitue une autre préoccupation majeure. Lorsqu’un salarié de holding exerce ses fonctions exclusivement au bénéfice d’une filiale, sans que la holding ne conserve de pouvoir de direction effectif, les autorités peuvent requalifier la relation en prêt de main-d’œuvre à but lucratif. Cette pratique, interdite par le Code du travail, expose l’employeur à des sanctions pénales et civiles. Comment éviter ce piège ? La solution réside dans une définition claire des missions et un contrôle effectif de la holding sur l’activité de ses salariés.

La question du co-emploi mérite également une attention particulière. Dans certaines circonstances, les tribunaux peuvent reconnaître l’existence d’un lien de subordination entre un salarié et plusieurs entités du groupe, créant ainsi une situation de co-emploi. Cette reconnaissance engage la responsabilité solidaire de toutes les sociétés concernées en matière de paiement des salaires, charges sociales et indemnités diverses. La jurisprudence récente tend à durcir les critères d’appréciation, exigeant une perte totale d’autonomie de la filiale pour caractériser le co-emploi.

Les risques en matière de représentation du personnel ne doivent pas être négligés. Une holding employant des salariés doit respecter les obligations légales en matière d’élection des représentants du personnel, de mise en place du comité social et économique selon les seuils d’effectif, et de négociation collective obligatoire. Ces obligations s’exercent de manière autonome, indépendamment des instances représentatives existant dans les filiales. La coordination entre les différents niveaux de représentation devient alors un enjeu managérial important.

La conformité réglementaire en holding nécessite une vigilance constante sur l’évolution du cadre légal . Les réformes du droit du travail, les modifications des seuils sociaux ou les évolutions jurisprudentielles peuvent impacter significativement la gestion des ressources humaines. Une veille juridique active et des audits périodiques de conformité permettent d’identifier les points de vigilance et d’adapter les pratiques en conséquence.

La mise en place d’une gouvernance RH rigoureuse constitue la meilleure protection contre ces risques. Cette gouvernance inclut la formalisation des processus de recrutement, la définition précise des fiches de poste, la documentation des liens hiérarchiques et la traçabilité des missions exercées. Un système de reporting régulier permet de s’assurer que les pratiques restent conformes aux objectifs initiaux et aux exigences légales.

Enfin, la formation des managers et des équipes RH aux spécificités de l’emploi en holding s’avère indispensable. Ces acteurs clés doivent maîtriser les subtilités juridiques et être capables d’identifier les situations à risque avant qu’elles ne génèrent des difficultés. Une culture de la conformité, portée par la direction et relayée à tous les niveaux, constitue le meilleur rempart contre les dérives et les erreurs d’appréciation. L’investissement dans cette formation se révèle toujours rentable au regard des risques évités et de la sécurisation juridique obtenue.

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